Le job de mes rêves – Épisode 2

L’avenir professionnelle de Larry, le jeune cinéphile excentrique et condescendant, pourrait bien commencer pendant cette journée. Mais c’est sans compter l’étourderie qui règne dans sa petite tête brune. Espérons qu’il n’ajoute pas une nouvelle bourde à son tableau.

Épisode 2 – L’oubli

Jour 2 – 13h30 – dans l’appartement :

Nielson joue de la basse dans le salon, Larry regarde un film avec un des voisins, De Moyron, et Mathilde lit un livre juste à côté.
Larry, agacé – Tu peux arrêter de jouer de la guitare ? J’entends pas le film.
Nielson, continuant à jouer – C’est de la basse.
Larry – Peu importe, ça me dérange.
Nielson – T’es le seul que ça dérange alors je vais continuer.
Mathilde, levant son doigt pour signaler sa présence – En fait, ça me dérange aussi. J’arrive pas à lire convenablement, j’ai relu trois fois le même passage.
Nielson – Bah, va dans ta chambre pour être tranquille.
Mathilde – J’en reviens, ça change rien. Ta musique doit s’entendre dans tout l’immeuble.
De Moyron – Je confirme.
Nielson, surpris – Il est là depuis quand le voisin ?
Larry – Il est venu voir le film avec moi. Lui, il sait apprécier un film.
Nielson, fier de son argument – Et puis, comment on peut être dérangé par du Pink Floyd ?
Mathilde – En essayant de lire ?
Larry – En regardant un film ?
De Moyron – En aimant pas ?
Nielson, déçu – Bande de rabat-joie. Si on peut même plus jouer tranquillement.
Larry – Va faire un tour, tu prendras un peu l’air.
Mathilde – Et ça nous fera de l’air par la même occasion.
Nielson, contrarié – Nan, je reste. Je vais finir de composer ma chanson.
De Moyron, intéressé – Tu composes ?
Larry – Faut relativiser. Je dirais plutôt qu’il essaye.
Mathilde – Ça fait trois ans qu’il essaye. Il avance pas d’un iota.
Nielson – Au moins ce sera un chef-d’œuvre. L’œuvre de ma vie.
Larry, riant à gorge déployée – Toujours aussi drôle. Même quand il le fait pas exprès.
Nielson – Au moins, je crée quelque chose de ma passion. On peut pas en dire autant de vous deux.
Mathilde, sèchement – J’écris des nouvelles, je te signale.
Nielson, d’un ton cassant – Qui ne sont pas publiées.
Mathilde – Je les ai quand même créé. Parce que toi tu comptes faire un single de ta composition ?
Nielson, rêvant à son hypothétique succès – Pourquoi pas. On sait jamais.
Mathilde, le ramenant sur terre – Je doute que tu aies plus de chances que moi.
Nielson – Possible, et toi Larry, quand est-ce que tu réaliseras des courts-métrages ? Avec toutes tes connaissances cinématographiques…
Larry – C’est en projet. J’ai déjà un petit scénar’ en tête. Il me manque plus que les acteurs.
Mathilde – Compte pas sur nous.
Larry, non surpris – Je comptais pas sur vous. Et il me manque le temps également.
Nielson, haussant un sourcil – Tu as que ça du temps.
Larry – Ah ! C’est vrai. Et les moyens aussi.
Mathilde – Pour ça, il te faudrait un travail.
Nielson, insistant – Oui, un travail.
Larry – Ouais, sûrement. Mais je manquerai de temps.
Nielson – Il a toujours pas réagit on dirait.
Mathilde – On va voir en combien de temps ça va monter au cerveau.
Nielson – J’ai le temps de me servir un café je pense.
Larry, interloqué – Réagir à quoi ?
Nielson – Je vais préparer ma tasse.
Nielson se rend dans la cuisine.
Larry, légèrement inquiet – Nan, mais sérieusement, dites-moi.
Mathilde – Il le fait exprès à ton avis ?
Nielson – Nan, nan, c’est sa nature.
Larry – J’espère que c’est pas un truc important. Arrêtez de me faire languir.
Nielson revient avec une tasse à la main.
Nielson – Ça y est, mon café est prêt, tu peux lui dire.
Mathilde – D’accord. Larry… T’avais pas quelque chose à faire aujourd’hui ?
Larry, réfléchissant – Comme quoi ?
Mathilde – Chercher un travail ?
Larry, éberlué – Oh, merde, j’ai oublié. J’ai encore le temps ?
Nielson, d’un air désolé – Malheureusement, tous les emplois du monde ont été donné aujourd’hui, il reste plus rien.
Larry – L’agence est toujours ouverte ?
Mathilde – Probablement mais mieux vaut te dépêcher.
Larry – Nielson, tu m’emmènes ?
Nielson – Tu vois pas que je bois un café ?
Larry – Allez, si j’ai pas un travail, je peux pas rembourser mes dettes, ni payer le loyer.
Nielson, souriant – Oh ! Si, tu trouveras un moyen, sinon je te casse les jambes, sans animosité aucune, bien évidemment.
Larry regarde alors Mathilde avec insistance.
Mathilde – Me regarde pas, j’ai pas de voiture.
De Moyron, faisant signe – J’en ai une moi.
Larry – Oh ! Tu me sauves la vie. Partons tout de suite.
De Moyron – Par contre je te préviens, c’est qu’une R5.
Mathilde – Au moins, vous risquez pas d’excès de vitesse.
Larry – Pas grave, on se rattrapera en grillant tous les feux.
De Moyron, hésitant – Euh… Je ne crois pas que…
Larry, tapant sur l’épaule de De Moyron – C’est bon, calme-toi, je plaisantais.
Nielson, impassible – C’est un bout-en-train notre Larry.
Mathilde, l’air sérieux – Le Roi de l’humour.
Larry – À plus tard les mecs.
Mathilde – Je te rappelle pour la énième fois que je suis une fille.
Nielson – Ah bon ? C’est pas tous les jours évident.
Mathilde – Je peux te fracasser le crâne avec ta basse ?
Nielson – Pas vraiment.
Mathilde – Bon, faut que j’aille reprendre le boulot, ma pause déjeuner est finie depuis dix minutes.
Nielson – Tu vas te faire virer pour ton deuxième jour de travail. Bravo !
Mathilde – Mais nan, aucun risque.
Larry, Mathilde et leur voisin sortent.

Jour 2 – 14h – au Pôle emploi :

Larry arrive devant un bureau du Pôle emploi après un sprint de quelques dizaines de mètres.
Larry, essoufflé – Bonj… bonjour…
Agent – Pourquoi êtes-vous essoufflé ?
Larry, arrogant – Parce que j’ai couru. À votre avis ?
Agent – Vous aviez le temps, ce n’est que le tout début de l’après-midi.
Larry – Ouais, mais vous êtes des feignasse, vous fermez tôt, je préférais être prudent.
Agent, offusqué, un sourcil froncé – Ahem…
Larry, venant de remarquer son erreur – Oh ! Désolé. Je vous ai vexé ? C’était un réflexe.
Agent – Passons.
Larry – Donc, il me faut un travail.
Agent, regardant ses documents – Je me doute bien. Vous avez déjà un CV ?
Larry, les yeux ronds – Un quoi ?
Agent – Un Curriculum Vitae.
Larry – Oh ! Je hais le latin. Possible que j’en ai un, j’sais pas.
Agent, essayant de garder son calme – C’est un document sur lequel est référencé vos références professionnelles.
Larry – Ah ! Bah j’en ai pas alors.
Agent – Très bien, nous allons y remédier. Tout d’abord quel est votre nom ?
Larry – Alchart, Lawrence.
Agent, tapant sur son clavier – Quels sont vos antécédents professionnels ?
Larry – Aucun, j’ai jamais bossé.
Agent, étonné – Vraiment aucun ?
Larry – Ah ! Si, j’ai déjà bossé dans un MacDo, une fois, une vraie horreur. Ça compte ?
Agent, rentrant les données dans son dossier – Euh… on va mettre « travail dans la restauration ». Vous avez fait quelles études ?
Larry – J’ai un doctorat en microbiologie.
Agent, bouche bée – Vous êtes sérieux ?
Larry, confus – Bah… oui.
Agent, étonné – Et vous n’avez pas trouvé de travail ?
Larry – On m’en a proposé un, mais après 23 ans d’études je voulais prendre une année sabbatique. Et leur nouvelle proposition d’emploi ne pourra se faire qu’à la fin de l’année. C’est plus un boulot en attendant qu’il me faut, pour joindre les deux bouts, payer le loyer, vous voyez.
Agent, tapotant quelques touches de son clavier – Bon, je vais déjà noter votre cursus. Sinon, vous avez d’autres compétences ?
Larry – Euh… J’ai une grande connaissance cinématographique, et elle est très variée. Je sais aussi faire des origamis. Je peux proférer des insultes dans plus de trente dialectes différents, mais pour certains je suis pas sur qu’ils aient existé. Et le plus important, je sais servir le café.
Agent, regardant Larry droit dans les yeux – Vous vous foutez de moi ?
Larry – Pas du tout, köcsög.
Agent – Je vous demande pardon ?
Larry – Rien, c’est du hongrois.
Agent – Ce qui veut dire ?
Larry – Aucune importance.
Agent – Si vous parlez hongrois ça peut être un plus.
Larry – Je ne sais dire que ça et « faszfej ».
Agent – Dommage.
Larry – Alors, vous avez quoi à me proposer ?
Agent, regardant l’écran de son ordinateur – J’ai pour vous… un entretien comme assistant dans une boite franco-belgo-germano-hongroise de réalisation de court-métrage spécialisé dans le domaine scientifico-fantastique.
Larry, méfiant – Ça existe vraiment un truc pareil ?
Agent – Tout à fait.
Larry, ravi – Alors c’est parfait, je signe où ?
Agent – Nulle part. Toutes les indications, le lieu de l’entretien, la date, les informations sur l’entreprise sont sur cette feuille. Ne soyez pas en retard.
Larry – Oh, trop génial, je vous remercie.
Agent, heureux de s’être débarrassé de ce client – Au revoir.
Larry – À la prochaine.
Agent – Je n’ai pas de doutes là dessus.
Larry sort de l’agence et s’avance vers la voiture de son voisin qui l’attend.
Larry, la feuille de son entretien à la main – Yahou ! Au moins je vais avoir un job qui me plait, c’est pas comme Nielson et Mathilde.
De Moyron – Tu as eu un entretien ?
Larry – Ouais, et pile dans mon domaine, ça va passer les doigts dans le nez.
De Moyron – Sois pas trop confiant quand même.
Larry – Mais si, tu verras. Maintenant ramène moi à la maison. Mais avant, passe à la vidéothèque, j’ai bien envie de me voir un petit film.
De Moyron – C’est parti !
De Moyron démarre, puis cale, et démarre à nouveau en direction de l’appartement.

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